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    WIO Futures : l’océanographie dans un paysage géopolitique complexe

    La conférence WIO Futures 2024 s’est achevée avec succès le 17 septembre dernier. L’évènement, qui s’est tenu au Labourdonnais Waterfront Hotel à Port-Louis, a rassembé près de quatre-vingts participants dont un large panel d’océanographes, de socio-politologues et de représentants d’organisations nationales et internationales. Organisé par le Charles Telfair Centre et le IEEE Oceanic Engineering Society, avec le soutien du Centre for Marine and Earth Sciences de l’université de Curtin, l’évènement a exploré l’intersection entre océanographie, gestion durable et tensions géopolitiques dans l’océan Indien occidental.

    Cette région qui comprend les côtes de l’Afrique de l’Est, la péninsule arabique et diverses nations insulaires, abrite des écosystèmes cruciaux à la biodiversité mondiale et aux moyens de subsistance de millions de personnes. Elle est toutefois confrontée à des menaces existentielles liées au changement climatique, à la surpêche, à la pollution et à la destruction des habitats, des sujets abordés lors de la conférence.

    L’océan Indien occidental est également un point stratégique d’intérêt géopolitique, attirant l’attention de puissances mondiales comme la Chine, l’Inde, les États-Unis et la France, qui cherchent à accroître leur influence dans la région (Brewster, 2019). Ce paysage géopolitique se complique par des dynamiques régionales telles que les disputes territoriales, la piraterie et les ambitions économiques des États côtiers (Bueger and Stockbruegger, 2022).

    S.E. Kate Chamley, Haut-commissaire d’Australie à l’île Maurice, a ouvert l’évènement en appelant à la collaboration transfrontalière. « L’Australie s’est engagée à contribuer à l’élaboration d’une région qui fonctionne selon un ensemble de règles respectant la souveraineté et les droits de l’homme, » a-t-elle souligné. Plusieurs chercheurs – notamment le Dr Venugopalan Pallayil de l’Université du Singapour, le Prof. Malcom Heron du James Cook University en Australie, la Prof. Christine Erbe de Curtin Mauritius et le Prof. John R. Potter de l’Université Norges Teknisk-Naturvitenskapeligd en Norvège – ont présenté des innovations scientifiques pour mieux comprendre et protéger l’océan.

    La conférence s’est également penchée sur les tensions géopolitiques au sein de l’océan Indien occidental. La Professeure associée Roukaya Kasenally, de l’Université de Maurice (UOM), a détaillé l’importance stratégique de la région et appelé les petits États insulaires en développement à adopter une stratégie de solidarité afin de maintenir leur souveraineté. D’autre part, Veronique Garrioch, Sustainability & Relationships Manager chez IBL Seafood, a discuté des enjeux géopolitiques de l’industrie du thon dans l’océan Indien occidental soulignant l’impact de la concurrence internationale sur les économies locales. Dans le contexte de l’épuisement des stocks de thon, elle a aussi accentué l’urgence d’une coopération entre les différentes parties prenantes afin d’en assurer la pérennité.

    Vassen Kauppaymuthoo, océanographe, a quant à lui insisté sur le besoin d’une collaboration et d’une intégration régional. « Il est primordial que nous prenions conscience de la diversité des pays lorsque nous parlons d’une meilleure gestion de l’océan, » a-t-il souligné, déplorant la tendance à aborder les défis uniquement à échelle locale ou nationale. Le Dr Vonintsoa Rafaly a rappelé le pouvoir des communautés locales à s’unir pour faire entendre leurs voix, en référence à l’avis consultatif de May 2024 émanant du Tribunal international du droit de la mer.

    Dans la matinée du 16 septembre s’est tenue une table ronde, modérée par le Dr Daniel Marie, directeur du Mauritius Oceanography Institue (MOI). Les panélistes, notamment la Prof. Christine Erbe, le Dr Poonam Veer Ramjeawon du Mauritius Research and Innovation Council (MRIC), Gina Bonne, Chargée de Mission à la Commission de l’océan Indien (COI) et Sébastien Sauvage, directeur de l’ONG Eco-Sud ont longuement échangé sur l’économie politique du financement de la recherche marine dans l’océan Indien occidental. « Il est important que les chercheurs établissent des relations durables avec l’industrie qui elle a besoin d’études de fond sur les thèmes marins, » a souligné la Prof. Erbe. Par ailleurs, le Dr Ramjeawon a insisté sur la nécessité pour Maurice de nouers des partenariats régionaux pour développer la recherche avant d’évoquer la réalité des quotas pour le financement opérationnel des projets de recherche.

    La première journée s’est conclue à Odysseo avec une deuxième table ronde, modérée par le Dr Emilie Wiehe et abordant les défis de la recherche dans le paysage complexe de l’océan Indien occidental. Le Dr Pallayil a plaidé pour de plus étroites collaborations avec les universités internationales et le secteur privé, tandis que le Dr Christian Bueger de l’Université de Copenhague a mis en avant le besoin d’une meilleure coopération entre les sciences politique et naturelles pour concevoir l’océan comme un espace interconnecté. Par ailleurs, Raj Mohabeer, Chargé de Mission à la COI a appelé à plus de recherches fondées sur l’action et le Dr Riad Sultan de l’UOM a souligné que le financement de la recherche océanographique est souvent influencé par les intérêts économiques tout en appelant à la publication régulière des données collectées pour mieux informer les stratégies politiques.

    La deuxième journée de conférence, a été consacrée à la présentation des travaux de jeunes chercheurs travaillant sur les défis environnementaux de l’océan Indien occidental, sous la direction du Prof. Ranjeet Bhagooli de l’UOM. Ce dernier et son équipe ont présenté leurs travaux sur les changements dans les habitats des récifs coralliens, les coraux Stylophora madagascarensis et leur réponse au stress thermique, et l’identification des cachalots vivant dans les eaux mauriciennes. D’autres études ont exploré les anomalies de croissance des coraux Acropora, la distribution du mollusque Pinna muricata autour de Maurice et Rodrigues et la diversité des poissons de récif autour de Saint-Brandon. En outre, le Dr Lisa Ah Shee Tee du Reef Association a partagé ses travaux de la conservation volontaires des aires marines comme alternative aux aires marine protégées traditionnelles.

    La conférence WIO Futures 2024 a marqué une étape essentielle pour l’avancement de l’océanographie et de la gouvernance durable dans l’océan Indien occidental. En réunissant un groupe diversifié de participants, l’événement a réussi à mettre en lumière l’importance d’une collaboration intersectorielle et transfrontalière.

    Main photo by Charles Telfair Centre

    Charles Telfair Centre is an independent nonpartisan not for profit organisation and does not take specific positions. All views, positions, and conclusions expressed in our publications are solely those of the author(s).

     

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