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    Atelier Mobilité durable : Repenser le paysage de la mobilité à Maurice

     

    • La mobilité à Maurice est dans une impasse : responsable d’un quart des émissions de CO2 du pays, ses routes sont congestionnée et ses transports publics subis.
    • Les révolutions technologiques en cours et les changements des attentes des citoyens rendent possible de profonds changements : ceux-ci nous sont directement accessibles.
    • L’île Maurice peut choisir de devenir une référence de mobilité durable pour le Monde.

    Près de 50 professionnels, mauriciens et étrangers, ont débattu dans un « atelier virtuel » les 29 juin et 12 juillet dernier sur la Mobilité durable à l’île Maurice à l’initiative du Centre Charles Telfair.

    Les ateliers, animés par Jean-Luc Wilain, consultant en durabilité et directeur de Will Change, Gilles Michel, président du Charles Telfair Campus, et Sid Sharma, PDG de Rose-Hill Transport, se sont déroulés selon la règle de Chatham House, créant un environnement de pleine liberté de parole et de grande qualité d’expression. Ils ont bénéficié d’interventions exclusives de Gunter Pauli, auteur de The Blue Economy, et du Professeur Peter Newman, professeur de durabilité à l’université Curtin et auteur de The End of Automobile Dependence.

    Les enjeux de la mobilité à Maurice

    La question de la mobilité durable est intimement liée à celle de l’urgence climatique et commentant sur les défis à venir, Jean-Luc Wilain, a souligné que “Les enjeux autour de la mobilité durable sont économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux. C’est le moment de repenser sans limite ce que sera notre vie de demain afin d’assurer un avenir durable. À Maurice comme ailleurs, la mobilité durable, qui se tourne vers l’électrique, est une composante importante de la transition énergétique.  Il est temps pour tous d’agir et de créer une vision commune et d’avenir comme d’autres l’ont déjà fait ou sont en train de la faire. »

    Réagissant aux changements massifs en cours, notamment autour du passage des véhicules à moteur à combustion interne aux véhicules électriques (VE), Gilles Michel a souligné que nous sommes face à une révolution de la même ampleur que celle résultant de l’invention de l’automobile : comme il y a 120 ans les ruptures technologiques en cours transformeront la mobilité, les villes, les économies, et, la société. Ces changements ne sont pas pour demain : ils sont déjà là et pour l’île Maurice la question est de savoir si nous devons les subir ou les anticiper afin d’en faire des opportunités”.  

    Le Constat

    En gardant ce contexte à l’esprit, les discussions entre les participants ont mis en évidence trois tendances clés et des pistes à suivre pour l’île Maurice:

    1. A Maurice, les transports représentent 26% des émissions de CO2 et au niveau mondial, en moyenne, 74,5% des émissions des transports proviennent des véhicules sur routes. L’augmentation du nombre de voitures individuelles à Maurice est donc un défi majeur pour les objectifs environnementaux de l’île.
    2. Les aspirations à la mobilité qui accompagnent la croissance des revenus s’orientent massivement vers la voiture individuelle à Maurice. A cela s’ajoute les inconvénients traditionnellement attribués aux transports alternatifs en termes de qualité, fiabilité, confort, et efficacité. Chez nous comme ailleurs il sera difficile de modifier les comportements sans une modification profonde de l’offre de mobilité. A Maurice comme ailleurs il sera donc difficile de modifier les comportements sans une modification profonde du contexte.
    3. L’offre de transport public mauricienne est fractionnée (multiples fournisseurs et peu de coordination) et fortement régulée (par les prix, par les barrières réglementaires). Leur utilisation est plus subie que choisie, ce qui est un obstacle majeur à tout changement vers un mobilité durable.
    4. D’énormes bouleversements sont en cours qui révolutionnent la mobilité, de sorte que la transition vers des systèmes de mobilité durable n’est plus un choix mais s’imposera à tous. Poussés par les nouvelles réglementations les véhicules à moteur à combustion interne vont disparaître à horizon proche (2035) dans la plupart du monde. Rendus possibles par les évolutions technologiques les véhicules électriques s’imposent comme une alternative crédible et accessible. Les options de mobilité douce (vélos, tricycles, téléphériques, métro, zones piétonnes) et la planification urbaine intégrée façonnent déjà les villes du monde entier. Pourtant, les parties prenantes sont peu conscientes de l’ampleur de ces changements et de l’urgence pour l’île Maurice à les intégrer dès à présent.

    Les pistes à suivre

    1. Vision et Leadership : parce qu’elle s’inscrit dans un horizon de moyen terme et parce qu’il s’agit de transformations en profondeur de la société, la transition vers une mobilité durable nécessitera un leadership affirmé de la part des autorités publiques et de celle du secteur privé : les consommateurs ne modifieront leurs comportements que si on les convainc qu’un changement de comportement est pertinent et inéluctable.
    2. Approche globale, coordonnée et concertée : Tous les exemples montrent que c’est par une approche globale, coordonnée et concertée de la planification urbaine d’une part et en favorisant activement l’émergence d’offres globales et alternatives de mobilité d’autre part (tarification, applications digitales, tarifs, voies de circulation, parking etc.) que les changements deviennent attractifs et donc crédibles. Il convient donc d’organiser les adaptations institutionnelles et de régulation nécessaires. Les espaces urbains peuvent être repensés afin d’éviter les espaces à fonction unique, qui tendent à encourager l’utilisation de la voiture, pour encourager le développement d’espaces multifonctionnels (par exemple la ville du quart d’heure).
    3. Bascule vers les véhicules électriques : Les voitures électriques représenteront rapidement la majorité de l’offre automobile avant de devenir exclusifs d’ici une décennie. Si elles n’apportent pas de solution en tant que telles aux défis de l’engorgement des routes, elles sont porteuses d’une efficacité énergétique meilleure, d’une suppression de la pollution atmosphérique locale, d’une réduction des nuisances sonores, et de coûts d’entretien réduits. Elles permettent par ailleurs de très intéressantes possibilités d’optimisation de l’usage du réseau d’électricité dès lors que la règlementation s’y prête. De plus la taille de l’île Maurice fait que la question des bornes de recharge peut être essentiellement traitée à domicile ou au travail. L’opportunité est donc importante et il est possible à Maurice de s’y engager massivement ; pour cela les questions règlementaires, fiscales, mais aussi techniques (ex. réutilisation des batteries) doivent être traitées globalement.
    Parking avec station de recharge pour véhicule éléctrique – Photo Bob Osias/Unsplash
    1. Offres alternatives de mobilités : Les congestions routières sont coûteuses et fort inefficaces. Leur réduction est souhaitable mais elle ne peut procéder de la seule construction de toujours plus d’infrastructures, qui ne réduisent pas les embouteillages mais augmentent les déplacements. La solution passe par la décision des consommateurs de ré-orienter leurs déplacements vers des mobilités alternatives comme les transports publics, le covoiturage et la micromobilité. Cela suppose qu’elles existent, et qu’elles soient attractives avec le développement d’offres connectées et intégrées, des espaces urbains réorganisés, des incitations économiques ou encore une règlementation contraignante.
    2. Les solutions existent : De nombreuses solutions et une grande variété d’outils de politique publique ont été évoqués au cours de l’atelier : mise en place de zones piétonnes, pistes cyclables, places de stationnement pour les cyclistes, voies prioritaires pour les bus/taxi/VE ou de parkings avec des points de recharge solaire ; règlementation de la circulation urbaine y compris avec péage ou horaires d’exclusion ; généralisation ou obligation de bus ou taxis électriques (avec modification du système de subventions) ; nouveaux mode de transport comme le tramway sans rail ; micro-mobilité, mobilité partagée, applications de service de mobilité intégrée (MAAS), etc. Les outils et les solutions existent, la diffusion de la technologie et la numérisation les rendent accessibles à tous, et les attentes des citoyens changent : ce dont il s’agit désormais à Maurice est de faire des choix, d’établir des priorités et de les mettre en œuvre.

    Sid Sharma a conclu l’atelier en nous rappelant qu’ “en tant que pays, la plus grande opportunité pour nous est d’être un modèle pour le monde en matière de mobilité durable. La conversation sur la mobilité durable ne s’arrête pas aujourd’hui, ce n’est que le début d’une aventure…”.

     

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    Un format efficace  

    Pour Myriam Blin, directrice du Charles Telfair Centre, l’organisation de cet Atelier répondait à deux objectifs majeurs :

    ” Tout d’abord, dans un domaine en rapide mutation dans le monde, et dont l’impact sur l’environnement est évidemment majeur, nous voulions établir un constat sur de la nécessité et l’urgence de changements à l’échelle de Maurice afin d’explorer la manière dont potentiellement les mettre en œuvre et en faire des opportunités pour le pays.

    Mais nous avions aussi un objectif de méthode, consistant à démontrer qu’il est possible et fructueux de réunir dans une même salle virtuelle des personnes aux perspectives diverses (et parfois aux intérêts divergents), issues de différents secteurs, qui ne se seraient peut-être pas rencontrées autrement, pour leur offrir un espace sûr où parler, échanger et exprimer leurs opinions réfléchies. Telle est en effet une mission du Charles Telfair Centre, convaincu que c’est à travers la confrontation de perspectives diverses et le partage de connaissances variées que se créent les conditions pour le progrès et l’amélioration de notre société.

    Le format choisi pour ces ateliers, avec un temps limité consacré aux présentations pour maximiser les temps d’échange, a été très efficace. Le niveau et la qualité des interventions ont dépassé nos attentes et nous disposons de nombreuses pistes à analyser pour une communication ultérieure sur le sujet.”

     

    Main photo by Jonas Jacobsson on Unsplash 

    Charles Telfair Centre is an independent nonpartisan not for profit organisation and does not take specific positions. All views, positions, and conclusions expressed in our publications are solely those of the author(s).

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